
Depuis plus d’un siècle et demi, le rituel du thé est une source de plaisir et de fascination. Typiquement anglais à l’origine, il s’est progressivement implanté de l’autre côté de la Manche. Dans la vie quotidienne, le moment du thé demeure un havre de délicatesse et de détente.

D’après la légende, le thé fut découvert au XXVIIIe siècle avant J.-C. par l’empereur chinois Shen Nung qui, en homme très prudent, ne buvait que de l’eau bouillie car il était persuadé que cela le protégeait contre les maladies. Un jour qu’il effectuait un voyage en province, Shen Nung demanda à ses serviteurs de lui faire bouillir de l‘eau. Ceux-ci allumèrent le feu avec des branches ramassées près d’un buisson de camélia.
Or un coup de vent arracha de l’extrémité de certaines de ses branches quelques feuilles qui voltigèrent avant de retomber dans l‘eau. L’empereur fut aussitôt séduit par l’arôme qui se dégageait du récipient. Intrigué , il en but une gorgée. Immédiatement conquis par la saveur de ce breuvage et par son pouvoir désaltérant, il comprit qu’il venait de faire une découverte capital.
Les Chinois se servaient déjà des feuilles de camélia comme condiment, et probablement comme médicament, mélangées à d’autres plantes médicinales. Mais jamais ils ne les avaient utilisées en infusion avant la découverte de l’empereur. Cette nouvelle se répandit dans tout l’empire et chacun essaya bientôt cette nouvelle boisson.

En peu de temps, le thé “cha” devient partie intégrante de la culture chinoise. On inventa des cérémonies, par exemple : les cha no yu, dans le but de ritualiser la façon de servir le thé ; certaines communautés religieuses l’adoptèrent même comme instrument de méditation.

Au fil des siècles et des échanges commerciaux entre l’Orient et l’Occident, le thé franchit les frontières pour être introduit en Europe au XVI e siècle. Il n’atteignit les côtes anglaises que vers 1660. Consciente du succès qu’allait remporter cette marchandise, la reine Elisabeth I ère d’Angleterre avait affrété, dès 1600, la fameuse Compagnie des Indes Orientales. Mais, plus rapides, les Hollandais furent les premiers à l’importer. Même les Russes et les Portugais en burent avant les Anglais.
Et c’est un Vénitien, Gian Battista Ramusio, qui, le premier en Europe, écrivit un livre sur le thé. Lorsqu’il est enfin commercialisé en Angleterre, le thé ne remporte pas immédiatement le succès escompté. Très cher et plutôt considéré comme une médecine, il mit un certain temps à conquérir l’empire britannique. A cette époque, toute nouveauté était d’emblée suspecte.
Enfin, l’accession de Charles II au trône d’Angleterre entraîne un changement décisif. Le roi Charles buvait en effet du thé à longueur de journée : aussitôt, toute la cour se mit à en boire, imitée par le pays entier. On en sert dans les châteaux, les chaumières, les parcs et les tavernes. Le thé était devenu la boisson à la mode en Angleterre. La popularité soudaine du thé est une chose étonnante car son prix, très élevé, n’avait pas baissé.

Le gouvernement se rendit compte qu’il pouvait exploiter cette passion nationale en percevant un impôt sur ces petites feuilles. De furieux débats s’engagèrent alors au parlement et dans la rue. Des colons américains rejetèrent des caisses de thé à la mer et décidèrent de refuser d’en boire tant que la taxe ne serait pas levée : ils durent attendre pour cela la fin du XVIII e siècle, date à laquelle ils acquièrent également leur indépendance. En 1823, on découvrit que le thé poussait en Inde à l’état sauvage. Une dizaine d’années plus tard, les premières plantations étaient cultivées : le thé noir faisait bientôt son apparition en Angleterre et, de boisson à la mode, devenait une institution nationale.

Le thé atteignit le sommet de sa popularité sous le règne de la reine Victoria ou furent instaurées ces deux traditions britanniques : le thé de l’après-midi, qui agrémente les relations sociales, et le thé du soir, pour le bien-être. A cette époque, le thé du soir était le dernier repas de la journée de la classe populaire. Pris assez tôt, il offrait l’avantage de pouvoir se coucher avant la nuit tout en étant suffisamment nourri jusqu’au lendemain matin puisqu’on y mangeait des plats chauds, du poulet, du jambon ou gibier, accompagnés de pain, de salade, de fromage et de gâteaux.
Le thé de l’après-midi, en revanche, était généralement réservé à la haute société. Très raffiné, il était servi en fin d’après-midi, entre le déjeuner et le dîner. Le plaisir de boire du thé et de manger des petits gâteaux égalait celui de se retrouver en agréable compagnie. Il devint vite une excellente raison de prolonger une visite.
Quelle aventure pour une simple feuille de camélia ! Les botanistes l’appellent Camelia simensis. Arbuste à feuillage persistant, il pousse sous des climats tropicaux ou subtropicaux. A l’état sauvage, il peut atteindre douze à quinze mètres de haut ; mais dans les plantations, sa taille est soigneusement maintenue entre soixante centimètres et un mètre cinquante.

De cette plante sont issus six types de thé : le thé noir, le thé Pu Erh, le thé vert, le thé oolong, le thé blanc et le thé jaune. Ces différents types de thé sont obtenus grâce à des processus de transformation et de fermentation différents appliqués aux feuilles de la plante Camelia sinensis.
Il existe plus de trois mille variétés dont les différentes caractéristiques sont déterminées par la région, le climat, et aussi l’altitude. Un thé porte en général le nom de sa région d’origine.
Chacun de ces thés a ses propres caractéristiques de goût, d’arôme et de couleur, offrant ainsi une variété de choix aux amateurs de thé.
Le thé est répandu dans 160 pays avec 3 milliards de consommateurs, environ 4 tonnes sont consommées dans le monde chaque année, ce qui en fait la boisson la plus consommée au monde après l’eau !