
Lointaines, précieuses…magiques peut-être ? Fascinantes sûrement ! Les épices possèdent un grand pouvoir évocateur, tout le monde n’ose pas les utiliser. Dans la cuisine, on les range à part : hôtes de marque, on aime les distinguer; exotiques, on s’en méfie un peu. Il fut une époque ou, en occident, elles nous étaient aussi familières que le sel. Nous les avons oubliées, il est temps de les retrouver.

Un parfum d’exotisme
L’univers des épices est vaste, et les circonstances historiques et économiques n’ont cessé d’en modifier les frontières. Qu’est-ce qu’une épice ? Le latin species, transformé en épice au Moyen Âge, désigne de précieuses substances aromatiques d’origine végétale, venues de lointains territoires, et utilisées dans la pharmacopée et la cuisine.
En dépit du fait que leur action bénéfique sur la santé est toujours avérée, le mot a aujourd’hui perdu sa connotation médicinale et il ne viendrait à l’esprit de personne d’aller se soigner chez son épicier. Quant à la perception exotique du terme, elle est amplement méritée car les épices ont une certaine prédilection pour les climats tropicaux. N’oublions pas cependant que la moutarde, l’aneth, le fenouil, le safran ou le carvi sont des épices européennes.
Sur la route des épices
Cette fascination pour les épices débute dès l’Antiquité. Déjà les Egyptiens, il y a presque 3500 ans, utilisaient les épices dans leurs plats et dans les produits de beauté utilisés dans les rites d’embaumement. A l’époque de Ramsès II, vers 1300 av. J.-C., le commerce des épices se développe, les navires voguent vers la Mésopotamie, et des routes sont construites jusqu’en Perse et en Inde, les Egyptiens en ramenant cardamome, gingembre, curcuma, cannelle et poivre.

Le poivre, en provenance de la côte de Malabar, a d’ailleurs été l’épice la plus prisée et la plus commercialisée au monde dès les toutes premières routes de commerce. L’un des principaux éléments déclencheurs de l’Époque des Grandes découvertes fut la recherche d’un accès direct au très lucratif commerce des épices de l’Est. Au XVe siècle, les épices arrivaient en Europe par les routes terrestres et maritimes du Moyen-Orient, et les épices étaient très demandées tant pour l’alimentation que pour les remèdes médicaux.

Le problème était de savoir comment accéder à ce marché par la mer. En conséquence, des explorateurs comme Christophe Colomb (1451-1506) et Vasco de Gama (c. 1469-1524) furent envoyés pour trouver une route maritime entre l’Europe et l’Asie. À l’ouest, Colomb trouva un nouveau continent sur son chemin, les Amériques et les piments. Au sud, de Gama fit le tour du Cap de Bonne Espérance, navigua sur la côte de l’Afrique de l’Est et traversa l’océan Indien pour atteindre l’Inde.
A partir de 1500, le Portugal en premier, puis d’autres puissances européennes tentent de contrôler le commerce des épices, les ports qui commercialisent les épices et finalement les territoires qui les cultivent.
Au XVIe siècle, personne n’avait entendu parler des piments; jusqu’ici, on n’utilisait que le poivre ! C’est en effet au fil des échanges commerciaux que les Portugais introduisirent les piments en Inde, ce qui provoque dans la péninsule indienne un bouleversement de la cuisine locale. La même chose se produisit en Thaïlande et en Indonésie, réputées aujourd’hui pour leurs plats relevés.

Enfin, ce sont les Hollandais et les Anglais qui, au XVIIe siècle, se lancent dans l’aventure en fondant chacun une compagnie des Indes.

De nos jours, les épices sont devenues de banals ingrédients de l’art culinaire. Aujourd’hui en France, l’épice la plus consommée est le poivre, suivi par le gingembre, le safran et le curcuma, les piments, la cannelle et la muscade, le girofle et la vanille.
Dotées de pouvoirs magiques ou guérisseurs qu’on leur accordait autrefois, les épices nous font rêver, en plus de nous parfumer.